Chercher l'amour dans une autre langue, c'est moins exotique que je pensais

Duolingo, allo.
Chercher l'amour dans une autre langue, c'est moins exotique que je pensais

Quand on va en voyage, même si on ne parle pas nécessairement la langue locale, on réussit à communiquer avec les autres. Que ce soit en pointant des trucs, en mimant ou en sortant des photos dans son cellulaire pour expliquer nos propos. 

Faque quand j'ai rencontré Gustavo dans le métro, je me disais que ça allait bien se passer. Je me disais qu'une fois dans un café, à l'abri des bruits assourdissants du métro et de son masque qui mangeait la moitié de ces mots, l'affaire allait être ketchup. J'avais espoir. 

La sélection de l'éditeur : Camille d'OD confirme qu'il n'y a plus rien entre elle et Olivier Primeau

Je l'ai donc texté pour lui proposer d'aller boire un café. Je lui ai écrit en français et il m'a répondu en espagnol. Je trouvais ça excitant cette barrière de langage.

Pis, vivant dans un conte de fées un peu dans ma tête, je me disais qu'on apprendrait une nouvelle langue ensemble et qu'on se propulserait à devenir polyglotte.

Le rendez-vous arrive finalement. Il est assis à une table un petit espresso devant lui, portant son masque anti Covid et cachant ainsi la moitié de son visage.

En m'approchant, il me voit, ses yeux se plissent dans une expression que je peux déduire être un sourire sous le tissu qui lui cache la bouche.

Il prononce quelques mots super rapides en tassant ma chaise pour me permettre de m'asseoir. Je comprends pas un mot. Je comprends même pas où est la virgule dans son intonation. Je souris bêtement.

Là, je catch que ce sera pas si simple.

Gustavo parle pas anglais une miette. Je comprends son espagnol par bribes.

Mais je réponds dans quelle langue?

Au début, on essaie de parler lentement et de faire comme si tout était beau et qu'on se comprenait. Mais, quand un parle, l'autre répond par un sourire et enchaîne sur un sujet qui a peut-être aucun foutu rapport, on le saura jamais.

Pis, l'idée de venir dans un café, quelle idée de marde! Y'a pas un son. Tout le monde est devant son laptop tranquille.

On est juste deux cornets à essayer de se comprendre sans trop réussir, ce que tout le monde doit remarquer. 

Les 10 premières minutes passent vite. On fait juste déblatérer chacun de son bord en étant dans le déni.

Dans l'ordre, mes propos ressemblent à ceci.

Salut, oui ça va bien, beau temps hein, j'ai une moustache, mais c'est des taches pigmentaires, j'aime beaucoup l'été, j'aurais du mettre des bas je suis en train de me faire des ampoules, je peux dire n'importe quoi il comprend rien c'est assez clair, doux jésus que je me sens seule. 

Ça donne une bonne heure et demie remplie de long silence où je traduis mes propos sur mon cell avant de lui montrer l'écran.

Pour la spontanéité pis les gros rires, on repassera.

On fait juste répéter pour se faire comprendre, des fois en parlant plus fort comme si l'autre avait un problème d'audition, des fois en gesticulant exagérément, des fois en accentuant notre prononciation, comme si on était parent l'un de l'autre pis qu'on essayait de se montrer des nouveaux mots.

J'avais comme pu trop espoir. On aurait dû aller dans un bar, je baragouine mieux dans un langage inconnu chaudasse. Il commençait à suer du masque, j'me suis dit que c'était notre signe pour s'en aller.

Je voulais pas qu'il le prenne mal, j'ai traduit sur mon cell mon envie de quitter et il a hoché la tête, avec soulagement je pense.

On s'est levé en même temps, il a enlevé son masque pour s'essuyer la face avec son t-shirt et s'est retourné vers la caissière pour lui dire un bye merci beaucoup.

Bizarrement, c'était la phrase que j'avais le mieux comprise de sa part.

En arrivant dehors, on se regarde et je souris en faisant une wave polie de la main. Il recommence à parler en gesticulant, je commence à trouver ça pénible.

Je traduis, merci beaucoup bonne journée!

Il me fait un baise-main. J'avais envie de lui dire, tu portes un masque, mais tu viens me licher la main, t'as des drôles de priorités.

Mais je suis juste partie. 

Pour lire toutes les chroniques Célib-à-terre de Merlin Pinpin, c'est ici.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de la collaboratrice et ne reflètent pas nécessairement la position de Narcity Media sur le sujet.

Loading...