Des chauffeurs de bus du Grand Montréal se confient sur leurs inquiétudes pendant la crise

La crise sanitaire de COVID-19 qui sévit sur la province a de quoi faire peur aux Québécois, alors que le cap des 1 600 personnes infectées vient tout juste d'être atteint. Le premier ministre Legault l’a répété à maintes reprises, le personnel du réseau de la santé, ces « anges gardiens », sont essentiels. Qu’en est-il des chauffeurs de transport en commun, qui se lèvent tous les matins pour transporter la population en temps de crise sanitaire ?
Ils sont bien là, derrière leur énorme volant, beau temps mauvais temps, coronavirus ou pas.
Daniel est chauffeur pour la Société de transport de Montréal (STM) depuis près de 20 ans.
Il est frustré de la situation. Il affirme que la STM met en danger la vie des chauffeurs. « Ils ne veulent même pas que l'on porte de masques et de gants. »
La STM vient d'annoncer qu'elle réduira son service de 20 % à l'heure de pointe à compter du 30 mars. Daniel ne mâche pas ses mots : depuis le début de la crise sanitaire, rien n'a changé pour ses collègues et lui.
« C’est un couteau à double tranchant. S’il y a moins de bus, ce sont plus de passagers dans le bus. Ce sera donc dur de faire respecter la règle de distanciation sociale. »
Il précise au passage que la clientèle prend cette règle à la légère. Aurait-il le droit de leur dire de se distancer? « Oublie ça! Je vais me faire péter la gueule », dit-il en riant.
Malgré son ton blagueur, il n’a pas peur d’écorcher l’entreprise. « La STM n’est pas proactive. Elle attend toujours que les bobos soient faits avant de réagir. » Il ajoute que tout ce que voulait la Société initialement, c’était « que l’on fasse respecter la ligne jaune à côté de nous et que l'on continue l’embarcation par l’avant. »
Daniel avoue s’être plaint à plusieurs reprises à son syndicat, mais que rien n’a bougé très rapidement. Cette rancœur n’est pas nécessairement partagée par tous les chauffeurs de bus.
Lyne est conductrice pour le Réseau de transport de Longueuil (RTL) depuis quelques années. De son côté, elle avoue que le Réseau « se débrouille bien » malgré la situation qui change tous les jours.
Elle souligne le travail de son propre syndicat. « Ce n’est pas une situation facile pour personne et il faut être compréhensif de la situation. Je suis contente de pas être dans leurs bobettes », dit-elle à la blague.
Se sent-elle présentement utile, en ces temps difficiles? « Oui et non. Tant mieux, si je peux être utile pour les gens qui travaillent dans des domaines essentiels, mais ça me fâche voir des personnes âgées qui se foutent de la situation entrer dans mon bus. »
Lyne est hypocondriaque et a trouvé les deux premières semaines de la crise « assez difficiles », remplies d’angoisse, de manque de sommeil et de peur. « Aujourd’hui, je suis plus calme. Je suis à la lettre les recommandations du Dr [Horacio] Arruda. »
Malgré son appréciation de la gestion de crise du RTL, Lyne a un bémol. Elle avoue être déçue d'avoir appris par les médias qu’un premier cas de COVID-19 ait été répertorié au sein des chauffeurs du RTL. « Ça, c’est décevant. »
Noms fictifs pour garder l'anonymat.