Ma seule erreur, ça a été de trop t'aimer

J'pas la fille parfaite. Je l'ai jamais été. Je l'ai accepté ça fait pas pire longtemps d'années. J'me suis dit qu'on allait m'aimer pareil. Que j'étais pas moins bonne que les autres filles qui magasinent les décorations de Noël chez Home Sense avec leur belle poussette Peg Perego le dimanche matin avec leur beau bébé tout neuf pis leur chum beaucoup trop attentionné, leur messy bun réussi à la perfection pis leurs calices de dents trop blanches pour la ligue.

Même que, j'ai déjà pensé que j'aurais pu être cette fille-là moi aussi. Pis, sais-tu le pire là-dedans? J'aurais été bonne. Si seulement tu m'avais laissé ma chance. J'aurais embarqué dans une van tout déglinguée acheté sur Kijiji pour aller reconduire nos p'tits à garderie, les yeux cernés, les cheveux gras, mais j'm'en aurais tellement crissé parce que j'aurais été avec toi. J'aurais été les voir à leur game de hockey même si j'sais pas c'est quoi un hors-jeu, j'aurais même jasé aux parents des autres p'tits morveux en faisant semblant que ça m'intéressait leur projet de rénovation de cuisine.

Parce que, c't'un peu ça au fond. Tu m'as jamais laissé de chance. Tu nous as jamais laissé de chance. T'as fui. T'as fui tous les sentiments que j'éveillais en toi. T'as fui ce qu'on aurait pu être. Mais qu'on sera jamais finalement. T'as fui le petit monde bien à nous qu'on aurait pu se bâtir.

On aurait pu être le petit couple qui se tient par la main en patinant dans les bibelots vitrés kitsch que tu vires à l'envers pour voir la neige doucement tomber. Ça aurait pu être ça notre monde. Un p'tit monde paisible, qui nous appartenait, loadé comme un gun de sentiments puissants, inébranlables. Mais ça, c'était avant.

Non seulement on ne sera jamais rien, mais en plus t'as brisé ce qu'on a été. T'as souillé nos souvenirs, t'as détruit ce qui aurait pu rester de nous, des doux moments gravés dans notre mémoire qui nous aurait rappelé qu'on s'est déjà connu, qu'on s'est déjà aimé follement, qu'on a partagé un bout de chemin ensemble. Moi, j't'aurais jamais fait ça.

Moi, j't'aurais tout donné. Tout. J'ai essayé ben ben fort de te le montrer. J'ai pas un amour conventionnel,  ça y va pas à grands coups de je t'aime, parce que j'pas comme ça. Mes mots, j'les pèse. Je compte mes je t'aime, j'les réfléchis, j'les lance pas à tout vent en les rendant vides de sens. Mais tu le savais. J't'aimais. C'était plus fort que les mots que j'te disais pas pis c'était en masse suffisant pas mal beaucoup.

J'ai tellement essayé fort. Longtemps. Beaucoup. Trop. J'pas parfaite, mais tu le savais. Mais j'pensais pas que ça comptait pour toi. J'pensais que tu m'aimais gros comme l'univers pis que j'te rendais heureux. J'pensais même que tu trouvais mes défauts un peu mignons, comme moi avec les tiens.

Combien de fois j'suis restée éveillée simplement pour te contempler pis me dire que j'avais le bon entre les mains. J't'ai trouvé beau. J'trouvais ta respiration apaisante. T'avais l'air bien pis ça me rassurait. J'aurais voulu te toucher, mais j'voulais pas te réveiller, j'voulais jamais que ça s'arrête, j'voulais me remplir de ta présence. Me bourrer de souvenirs, parce que c'est ça au fond, j'y croyais pas que t'étais à mes côtés toutes ces fois-là.

C'tait ça avec toi, avant que tu chies toute, j'étais insatiable de toi. Tu m'as parlé d'amour, de projets, de s'embrasser sur le bord de la Seine en voulant jamais que nos bouches se détachent. Pis là. On découvrira pas la Ville Lumière ensemble, on mettra même pas de lumière dans un sapin de Noël ensemble.

Chacun a le droit de refaire sa vie, de penser que ce serait mieux avec une autre, que ce serait mieux ailleurs. Mais t'avais pas le droit de pas me laisser de chance. De crisser tous mes rêves dans les vidanges pour les offrir à une autre. T'avais pas le droit de me laisser croire qu'on aurait quelque chose ensemble, que j'étais spéciale, que tu m'aimais gros comme l'univers.

T'avais juste pas le droit.