Cette Québécoise fait des bijoux avec du lait maternel et explique comment ça fonctionne

Elle en fait aussi avec des cendres, des fragments de cordon ombilical et des mèches de cheveux. 👀

Bijoux Ed & Lili créations.
Éditrice associée, Narcity Québec

Bijoux Ed & Lili créations.

Alors que la tendance est au magasinage local et/ou en ligne, plusieurs artisans et artisanes à travers le Québec ont décidé de se lancer dans un projet de petite entreprise au cours des dernières années . C'est ce qu'a fait Audrey Charron, une Québécoise maman de deux enfants, alors qu'elle a démarré sa compagnie de bijoux faits à la main voués à immortaliser certains souvenirs.

La boutique Ed & Lili créations , qui a vu le jour en mars 2022, tient autant des bagues que des colliers, des boucles d'oreilles, des barrettes pour les cheveux, des breloques, des bracelets et autres accessoires. Ceux-ci sont confectionnés par Audrey elle-même, qui ajoute un échantillon de lait maternel des clientes, une mèche de cheveux ou des fragments du cordon ombilical de leur enfant. Elle peut même en faire avec des cendres d'un être cher défunt.

Histoire de comprendre comment ça fonctionne et d'en savoir un peu plus sur le processus, Narcity s'est entretenue avec la créatrice qui s'est ouverte sur son expérience et certains moments plus touchants qu'elle a partagés avec des client.es.

Comment tout ça a commencé?

« Je suis maman, j'ai deux enfants. [...] Durant mon congé de maternité, [qui a duré] deux ans parce que je les ai eus back à back, j'ai allaité Édouard. C'est quelque chose qui me tenait vraiment à coeur puis j'avais vu des compagnies passer sur mes réseaux sociaux. On s'entend qu'en congé de maternité, ça égale pas beaucoup d'argent, fait que j'ai fait mes recherches parce que, pour garder ta perle [contenant du lait maternel] blanche [au fil du temps], il faut au moins une base de recherche.

« Vu que ce n'était pas dans mon budget, j'ai décidé par moi-même de me faire un [premier bijou avec mon lait]. Je suis quelqu'un de vraiment artistique puis j'adore donner aux gens, donc je me suis dit "Pourquoi pas?" J'ai vraiment un côté entrepreneur aussi fait que je me suis lancée avec l'aide de mon conjoint. »

Quels sont les types de bijoux que tu peux créer?

« Ce qui est le plus populaire, ce sont les bijoux de lait. Donc, je prends le lait maternel de la maman, ensuite je le transforme en bijou. La base, c'est la résine et moi je travaille avec la résine UV.

« Sinon, je peux aussi travailler les cendres, que ce soit une personne ou un animal. J'adore travailler aussi avec le cordon ombilical puis les cheveux, que ce soit enfant ou adulte, puis aussi les poils d'animaux. Hier [par exemple], j'ai fait des charmes [à mettre sur] un bracelet pour un papa puis dans ses charmes, ça contenait des fleurs séchées de sa grand-mère qui est décédée. Donc, c'était le bouquet de fleurs qui était [sur sa grand-mère lors du service funéraire] que j'ai intégré dans son bijou. »

Quel est le processus pour créer ces bijoux?

« J'ai fait un onglet sur mon site Web , [mais en résumé] je fonctionne avec la poste, les mamans ou les papas m'envoient le lait par la poste. J'aime bien avoir 20 millilitres de lait, je prends ce dont j'ai besoin, je prends environ cinq millilitres par bijou puis je congèle le restant chez moi. Comme ça, quand ils veulent recommander, je peux reprendre leur poche de lait et réutiliser le restant.

« Sinon, il faut qu'ils mettent ça [dans un] sac de congélation de lait maternel [...] puis je leur demande de le mettre dans un sac Ziploc pour éviter que ça coule durant le transport. Ils identifient bien le nom sur le sac puis même chose pour les cheveux, c'est dans des sacs à part. Les cendres, ça, tu vois, je conseille de mettre un numéro de suivi sur l'enveloppe.

« J'en reçois une cinquantaine par semaine puis j'essaie d'en faire 30 par semaine. C'est du temps, [...] je travaille de 9 h à 15 h puis si j'en fais six par jour, c'est bien. »

Est-ce que tu dirais que c'est un marché connu au Québec?

« Souvent, je vois encore des personnes qui ne connaissaient pas ça ou qui ne pensaient pas que ça existait. Pour vrai, on n'est vraiment pas beaucoup au Québec, je pense qu'on est genre cinq à en faire. Plus que ça va, plus qu'il y a de nouvelles compagnies qui embarquent puis c'est correct, il y a de la place pour tout le monde. [...] C'est quelque chose qui commence à être connu, mais pas tant que ça. »

J'ai vu que ça pouvait être controversé comme sujet. Qu'en penses-tu?

« Chacun a le droit à son opinion, moi je trouve que ce sont de beaux souvenirs à garder pour nous faire plaisir et pour rappeler que, on s'entend, l'allaitement c'est difficile, ce n'est pas toujours rose. Pour vrai, je les laisse faire. J'aime ce que je fais puis si je peux offrir un souvenir sentimental, ça me fait plaisir. Je sais que je vais rendre du monde heureux, ils sont contents d'avoir leur collier, fait que les commentaires...

« Ils ont le droit, c'est chacun pour soi. Moi, l'important, c'est quand la maman va ouvrir son colis puis qu'elle va tout penser à ses souvenirs avec son enfant ou avec la personne qui est décédée. »

Pour quelles raisons est-ce que les gens veulent conserver ces souvenirs?

« C'est unique, c'est sentimental comme je disais. Je ne sais pas, les gens en 2023, je trouve qu'ils sont plus humains. Tout ce qui touche les souvenirs, l'amour. Je trouve qu'il y a quelque chose qui fait en sorte que les gens sont plus propices à venir s'acheter un bijou souvenir, surtout quand il est 100 % personnalisé à leur histoire.

« [Les gens sont] nostalgiques, le monde veut vraiment conserver quelque chose. Quand tu portes ton bijou, parce que j'en ai plein, j'ai encore du lait, je suis fière de porter mes petites perles de lait. Quand les mamans m'arrêtent et elles font "Ah! Est-ce que ce sont des perles de lait?" puis je leur réponds "Oui, oui!" et elle font "WOW", c'est vraiment fascinant. »

Qu'est-ce que ça représente pour toi, de créer ces oeuvres?

« Je suis vraiment fière, j'ai fini d'allaiter puis je suis vraiment contente de pouvoir faire ça parce que j'ai pu me conserver des souvenirs, j'en ai gardé pour mes enfants dans leur petite boîte. Juste le fait de rendre les gens heureux puis qu'ils me font confiance, c'est ma paye. »

Quelle est l’anecdote la plus touchante que tu as eue en lien avec une commande?

« J'en ai plusieurs. [...] Il y a une histoire [dont] je travaille sur le projet en ce moment. C'est une maman qui a accouché au mois de mai puis son enfant a vécu environ une dizaine de jours. La mère a tiré son lait, elle a coupé sa mèche de cheveux puis sa soeur m'a envoyé tout ça chez moi puis on travaille sur un bijou pour les grands-parents, elle [et] son conjoint pour ce deuil-là. Ça va être un bijou pour aider au deuil des parents puis des grands-parents.

« Ça, ce sont des histoires qui me touchent vraiment. La perte d'un enfant. Tout ce qui touche le deuil, je m'arrête puis je suis comme "Okay." [...] Chaque fois que quelqu'un m'envoie des cendres, je leur demande de me parler d'eux, comme ça quand je travaille avec la personne, les cendres, souvent je leur parle. [...] Je t'en parle puis j'ai les yeux pleins d'eau. J'ai trouvé quelque chose que j'aime faire.

« [Aussi], quand j’étais enceinte de Noélie, j’ai rencontré une maman. [...] On était enceinte en même temps puis on avait la même date d’accouchement qui était le 12 juillet. Finalement, j’ai accouché le 2 juillet de Noélie, elle était full contente pour moi, puis il manquait juste elle. On avait hâte qu’elle accouche parce que quand t’es enceinte puis t’es maman, des fois on se crée des amitiés à distance puis on s’échange sur les réseaux sociaux ensemble.

Elle m’a écrit durant cette semaine-là qu’elle ne sentait plus son bébé bouger. En fin de grossesse, c’est normal puisque le bébé se repose pour l’accouchement. Le 8, elle a accouché de sa petite fille qui était décédée, en plus de ne pas avoir eu un bel accouchement. Donc, j'ai donné à la bague le nom de Léanne, en l'honneur de sa petite fille. [...] C'est une histoire qui m'a beaucoup touchée. »

Cet entretien a été édité et condensé afin de le rendre plus clair.

À noter que l'écriture inclusive est utilisée pour la rédaction de nos articles. Pour en apprendre plus sur le sujet, tu peux consulter la page du gouvernement du Canada .

Laurie Forget
Éditrice associée, Narcity Québec
Laurie Forget est éditrice associée chez Narcity Québec. Elle est spécialisée en téléréalités, en plus de rester à l'affût des événements, et réside sur la Rive-Nord de Montréal.
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