Selon Statistique Canada, près de 1,98 million de véhicules neufs ont été vendus au pays en 2024. Parmi eux, quelques citrons ont sans doute réussi à se glisser sur le marché, au grand désespoir de certains automobilistes.
Mais c’est quoi, au juste, un « citron automobile »? Grosso modo, c’est un véhicule qui cumule des problèmes mécaniques sérieux. Selon Isabelle Godbout, recherchiste-analyste aux affaires publiques de CAA-Québec, « c’est un véhicule dont les défauts le rendent impropre à l’usage auquel il est normalement destiné ou qui diminuent de manière significative son utilité ».
On ne parle donc pas de petits irritants, comme une radio défectueuse ou une trappe à essence qui reste ouverte. Il faut qu’il s’agisse d’un problème « vraiment important ».
La « loi anticitron »
Peu connue du public, la « loi anticitron du Québec » existe depuis 2023 et est prévue à l’article 53.1 de la Loi sur la protection du consommateur (LPC). Cette réglementation québécoise est parmi les plus sévères en Amérique du Nord et la seule du genre au Canada.
« Je pense qu’au Québec, on a un meilleur encadrement de la protection du consommateur que dans les autres provinces du Canada », lance Mme Godbout.
Pour que ton véhicule soit déclaré « gravement défectueux » (VGD), il faut respecter des critères bien précis, rappelle en entrevue Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur du Québec (OPC).
Le véhicule neuf — qu’il soit à essence, hybride ou électrique, acheté ou loué, doit avoir un maximum de trois ans ou moins de 60 000 kilomètres au compteur.
Selon la LPC, trois scénarios peuvent mener à ce qu’un véhicule soit considéré comme un VGD :
- La voiture a fait l’objet de trois tentatives de réparation infructueuses pour le même problème;
- Elle a passé plus de 30 jours au garage, excluant les jours d’attente de pièces (le concessionnaire doit fournir un véhicule de remplacement dans ce cas);
- Elle a subi douze tentatives de réparation, peu importe si c’était pour des problèmes différents ou non.
Ça peut se régler à l’amiable...
Le chemin vers un dédommagement ne passe pas nécessairement par la cour ni par la décision d’un.e juge. La première étape, c’est d’en discuter.
« Moi, la première chose que je ferais, c’est de me rendre chez le concessionnaire et d’essayer de m’entendre avec eux, explique Isabelle Godbout, parce que, comme les réparations sont couvertes par la garantie, ils sont déjà au courant du ou des problèmes. »
Charles Tanguay abonde dans le même sens : « On peut présumer que, lorsque les facteurs objectifs sont réunis, le commerçant ne voudra pas aller jusqu’en cour, car il ne veut pas avoir dans les pattes un véhicule gravement défectueux. »
Pour bien des gens, une voiture défectueuse pourrait alors devenir une « arme de négociation très importante », souligne-t-il.
Les deux parties peuvent s’entendre, par exemple, pour réduire le prix initial du véhicule, procéder à un échange ou convenir d’une autre forme de compensation financière qui satisferait à la fois l’automobiliste et le concessionnaire.
... ou devant devant les tribunaux
Si rien ne se règle à l’amiable, il est possible de déposer une demande officielle à la Chambre civile de la Cour du Québec. Il faut alors rassembler le plus de preuves possible : factures, dates, tentatives de réparation, temps passé au garage, etc.
« C’est sûr que ce n’est pas quelque chose qui se règle rapidement. Ça demande du temps et de l’énergie », souligne Isabelle Godbout de CAA-Québec.
Une fois que le tribunal rend son verdict, la mention VGD colle à vie au véhicule, qui est alors légalement considéré comme un citron. À partir de là, la ou le propriétaire pourrait obtenir l’annulation de la vente, une diminution du prix payé, voire des dommages et intérêts.
D’ailleurs, il faut obligatoirement passer par les tribunaux pour qu’un véhicule soit officiellement reconnu comme un VGD. Si l’histoire se règle à l’amiable, le concessionnaire n’est pas tenu d’indiquer que le véhicule présente un ou des vices cachés, précise M. Tanguay.
« Évidemment, un consommateur subséquent pourrait prétendre que le concessionnaire a passé sous silence des vices cachés, ce qui fait partie des interdictions générales de la LPC. On ne peut pas cacher des choses à un consommateur », ajoute-t-il, en précisant que, depuis l’entrée en vigueur de la loi, 563 plaintes pour des citrons automobiles ont été déposées à l’OPC.
D’autres venues pour les propriétaires de véhicules
L’OPC rappelle que les citoyen.ne.s peuvent toujours porter plainte auprès de lui afin de tenter de régler un litige entre les deux parties. Selon les données transmises à Narcity Québec, plus de 560 plaintes ont été déposées auprès de l’organisme gouvernemental depuis 2023.
De son côté, CAA-Québec précise qu’il existe d’autres protections pour faire valoir ses droits. Parmi elles, la Loi sur la protection du consommateur, qui prévoit des garanties pour les propriétaires de véhicules neufs, appelées « garanties légales ».
On retrouve aussi la garantie du constructeur, qui varie selon le fabricant et entre en vigueur à la mise en circulation du véhicule, ainsi que le Programme d’arbitrage pour les véhicules automobiles (PAVAC), qui permet de régler un différend avec un constructeur en lien avec un vice caché dans l’assemblage du véhicule.