Nous avons besoin de Montréal-Nord et voici pourquoi
Les modèles de réussite sont nombreux et doivent être mis en lumière.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Montréal-Nord mérite plus d'attention de notre part.
Les opinions exprimées sont celles de l'auteur ou l'autrice et ne reflètent pas nécessairement la position de Narcity Media sur le sujet.
Je n’ai pas grandi à Montréal-Nord. Et dans mon imaginaire, je croyais que cet arrondissement loin de mon Sud-Ouest chéri était le château fort des gangs de rue, des proxénètes, des personnes défavorisées et le théâtre de petits et gros crimes. Pourtant, il y a une dizaine d’années, j’ai découvert cette partie de la Ville sous un nouvel angle. J'en suis donc venue à la conclusion que Montréal a besoin de Montréal-Nord et voici trois raisons pour lesquelles je suis convaincue que ce secteur mérite plus d'attention de notre part.
Sentiments de collectivité et d'humanité
Mon mari habite Montréal-Nord depuis sa naissance. C’est grâce à lui si j’y suis souvent et que j’ai pu remarquer le sens marqué du vivre-ensemble. Dans un quartier comme Outremont, il est rare qu’on vous aborde sur la rue par votre prénom ou que le brigadier connaisse celui de vos enfants. À Montréal-Nord, cela arrive tout le temps. Et savez-vous pourquoi? C'est qu'il existe dans ce coin de la métropole un sentiment d’appartenance et de collectivité. Et cela est appuyé par le fait que Montréal-Nord est l’épicentre d’organismes à but non lucratif qui viennent en aide aux personnes les plus démunies et qui ont à cœur la justice et l’égalité sociale.
Par exemple, j’ai fait la connaissance de Me Fernando Belton, fondateur de la Clinique juridique de Saint-Michel qui a pour but de lutter contre le profilage racial. Cet enjeu affecte particulièrement les jeunes issu.e.s de la diversité dans les quartiers de Saint-Michel et de Montréal-Nord. Me Belton m’a confié que cette mission lui tient particulièrement à cœur, surtout depuis le mouvement du Black Lives Matter. En tant avocat d’origine haïtienne, il note une recrudescence des besoins juridiques dans l’Est de la Ville, notamment auprès des victimes de profilage racial.
Les statistiques parlent d'elles-mêmes: le rapport « Interpellations policières et profilage racial » 2023 du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) démontre que les populations noires ont 3,5 fois plus de chances d'être interpellées par les policiers que les Blancs et les populations arabes 2,5 fois de plus.
De plus, j’ai eu le bonheur de rencontrer Brunilda Reyes, co-fondatrice de l’organisme les Fourchettes de l’Espoir. Il s’agit d’un organisme de bienfaisance qui procure des repas aux familles immigrantes à faible revenu ainsi qu'aux personnes âgées. Cette association les aide également à se trouver un logement dans le quartier. Cette femme de cœur est connue par toute la communauté de Montréal-Nord! Elle a vu grandir tellement d’enfants nouvellement arrivé.e.s ici et leur a permis de s’intégrer à la société québécoise grâce à des stages, des camps de vacances et sa générosité. Elle a également redonné espoir à des jeunes adultes sur la voie de la délinquance grâce au programme « Ma Seconde Chance », qui vise la réinsertion sociale avec l’acquis de nouvelles compétences pour une rentrée sur le marché du travail en toute dignité. Oui, elle nourrit plusieurs ventres vides de Montréal-Nord, mais elle nourrit surtout le cœur avec l’espoir d’une vie meilleure. L’humanité et la bienveillance qui se dégagent de chez Me Belton et Mme Reyes sont typiques de Montréal-Nord.
Je ne vous ai même pas parlé de mon tête-à-tête avec Willmann Edouard, co-fondateur de la Coopérative Multisports Plus. Ce mec se dévoue corps et âme à créer un espace sécuritaire où les jeunes du quartier peuvent pratiquer un sport en devenant des citoyen.ne.s engagé.e.s.
Dites-moi, où trouve-t-on à Montréal autant de dévouement, de chaleur, d’accueil envers les personnes issues de l’immigration et celles dans le besoin?
Mobilité et compréhension de l’immigration
La dernière analyse du territoire de Centraide 2017-2018 dénombre que deux personnes sur cinq appartiennent à des groupes de minorités visibles à Montréal-Nord. Il s’agit aussi d’un quartier populeux comptant plus de 83 000 habitant.e.s, ce qui fait de ce quartier le 5e plus peuplé de Montréal.
En effet, toujours selon le dernier rapport territoriale de Centraide, Montréal-Nord accueille dans une année plus de 30 000 nouvelles personnes immigrantes et demandeuses d'asile. Il s’agit d’un enjeu important de la société québécoise et même si l’immigration fait friser le poil du premier ministre Legault, elle fait bel et bien partie de notre réalité.
Dieu merci, Montréal-Nord est un pôle de commerces, de banques, de garderies, d’institutions gouvernementales et d’écoles qui comprennent les enjeux et les problématiques de l’immigration. On retrouve aussi dans cet arrondissement plusieurs ateliers de francisation dans des centres communautaires qui accompagnent la population immigrante.
À titre d’exemple, le Marché Bèda, est un supermarché qui offre des produits internationaux à moindre coût, comme les fruits, les légumes, le riz ou encore les épices. Cette épicerie répond donc à la population immigrante moins nantie qui désire garder un pan de leur culture tout en embrassant leur intégration à la société d’accueil.
Si Montréal-Nord n’existait pas, où pourrait-on prendre en main les défis des immigrant.e.s?
Des modèles de demain
On a aussi besoin de Montréal-Nord, car c’est le nid où bourgeonnent de grandes stars. Oui, oui, vous avez bien entendu. Montréal-Nord est un quartier qui se démarque par la richesse de ses talents et la diversité de ses contributions à la culture québécoise.
Dans les médias, on parle avec fierté de Chris Boucher, Luguentz Dort ou encore Bennedict Mathurin comme des Québécois qui ont atteint les sommets de la NBA est tout à fait normal. On oublie parfois de mentionner que ces hommes ont grandi à Montréal-Nord, dans le hood. Leur parcours est similaire : issus d’une famille pas très riche, ils ont galéré à l’école, mais quelqu’un avait remarqué leur talent. Puis, avec acharnement, discipline et constance, ils sont arrivés à réaliser leur rêve de petit garçon, soit de devenir un joueur professionnel de basketball.
Est-ce que vous réalisez que ces vedettes du sport ont réussi à atteindre le top dans une discipline exigeante comme le basketball, où il n’y a que douze joueurs sélectionnés dans une équipe? C’est hallucinant!
En outre, le regretté Arturo Gatti, légende du monde de la boxe est également originaire de Montréal-Nord. C’est d’ailleurs l’un des amis d’enfance de mon mari. Il a appris à sauter à la corde à danser avec lui. Pouvez-vous croire que des émissions cultes américaines comme les Soprano et Sex & the City ont diffusé quelques secondes de ses combats? Dans les années 2000, Gatti était une grande célébrité.
Parlant des années 2000, la musique du groupe hip hop Muzion m’a permis de me reconnecter avec mes racines haïtiennes. Muzion provient aussi de Montréal-Nord. À ma connaissance, ces piliers du rap québécois sont les premiers à s’exprimer en créole et à cartonner dans les radios commerciales. C’est incroyable de penser qu’ils ont chanté avec nul autre que Wyclef Jean! La chanson 24 heures à vivre reste un de mes tubes préférés du groupe.
De plus, saviez-vous que Mariana Mazza, Claude Legault et Patrick Hivon sont originaires de Montréal-Nord? Ils et elle ont leur couleur unique, un je-ne-sais-quoi qui perce l’écran et qui touche notre intellect en plus d'une authenticité vibrante, tout comme celle Montréal-Nord. C’est pour ça qu’on les aime tant.
Bref, dans les quartiers populaires émergent une volonté, une motivation hors du commun, une rage de réussir...
C'est cette combinaison unique de résilience, de créativité et de diversité qui fait de Montréal-Nord un endroit à part et une source de fierté pour ses résident.e.s et pour Montréal dans son ensemble.
On devrait davantage relater ces récits de réussite plutôt que de mettre constamment les projecteurs sur les histoires de faits divers qui, malheureusement, font les manchettes... jour après jour.