Cette drummeuse québécoise aux 1,3 million d'abonnés TikTok se confie sur son parcours frappant
Quand « frapper comme une fille » est le but!

Bien que l’expression du genre se traduise maintenant le long d’un spectre, les stéréotypes entre le féminin et le masculin demeurent. Dans le cadre d’une série de portraits, Féminin · · · Masculin veut faire rayonner des personnalités québécoises féminines qui, chaque jour, se démarquent avec succès dans leur domaine, qui dépassent les limites et qui fracassent le plafond de verre tout en défiant les normes de genre.
« Qu'est-ce que tu veux faire quand tu vas être grand.e? » Une question si simple à poser et si compliquée à répondre. Pour la Québécoise Domino Santantonio, c'est à l'adolescence qu'elle a décidé de se consacrer à sa passion : le drum. Après dix ans à gagner sa vie avec son instrument, à faire des spectacles et à faire de la tournée avec Roxane Bruneau, elle est maintenant une vedette de TikTok, comptant plus de 1,3 million d'abonné.es.
Non seulement son contenu rayonne sur la plateforme, mais elle est aussi une des rares femmes à s'illustrer à travers le monde en tant que drummeuse, alors qu'il s'agit d'un métier traditionnellement dominé par la gent masculine . Narcity s'est entretenu avec la musicienne pour en apprendre plus sur son parcours, son quotidien dans le milieu, ses défis, ses fiertés et ses ambitions.
Née de parents musiciens, dont son père qui est aussi drummeur professionnel, c'est en secondaire cinq que Domino Santantonio décide de changer d'instrument, passant du violon à la batterie. Suivant sa passion, elle s'inscrit au Collège Lionel-Groulx en Techniques professionnelles de musique et chanson – Interprétation en musique populaire. C'est à partir de ce moment qu'elle commence à passer des auditions et à obtenir des gigs avec différents groupes et pour de nombreux.euses artistes.
C'est lorsque la pandémie a frappé que Domino a décidé de faire des vidéos sur TikTok, en pensant que cette plateforme allait lui permettre de publier du contenu de manière plus incognito. Coup de théâtre : c'est plutôt le contraire qui est arrivé et ses vidéos sont rapidement devenues virales.
Cette drummeuse québécoise aux 1,3 M d'abonnés TikTok se confie sur son parcours frappantwww.youtube.com
Tu as maintenant 1,3 M d’abonné.es sur TikTok et tu es l’un des six visages de TikTok Canada. Qu’est-ce qui explique ton succès, selon toi?
« Je te dirais que c’est comme ma joie de vivre derrière le drum. Même si t’es drummeur ou pas drummeur, ou pas musicien.ne ou, peu importe, je reçois souvent des commentaires que quand on regarde mes vidéos, t’as envie de jouer d’un instrument ou de faire ce que t’aimes, pis d’être heureux. C’est comme un peu ça, le feedback que je reçois souvent. Fake, j’aurais tendance à dire que c’est peut-être comme le positivisme, l’authenticité dans mes vidéos. [...] J’ai l’impression que je reprends tellement des chansons populaires, et que les gens aiment ça aussi entendre des chansons différentes avec le drum, instrument que normalement c’est plus mis à l’arrière. C’est là, mais c’est pas comme dans ta face que l’on voit juste ça. »
Quel était le message que tu voulais véhiculer quand tu as commencé à faire des vidéos TikTok?
« En fait ça faisait des années que je voulais faire des vidéos. J’en avais fait quelques-unes sur YouTube, au fil des années. Au cours des six ou sept dernières années, j’en sortais une par année et j’étais vraiment énervée. Je me disais ‘’Mon Dieu, qu’est-ce que je viens de faire ‘’! Ça me stressait vraiment beaucoup. Puis, je te dirais que j’ai juste décidé de faire ça, parce que chaque fois que je faisais un spectacle, je me faisais souvent dire ‘’ je t’ai regardé tout le long et j’ai tellement trippé à voir le drum. Tu sais, il est loin, et on te voit pas tant que ça, mais on te regarde quand même’’. Ça m’a fait comme "crime, on dirait qu’il y a un intérêt à moi qui joue du drum. ‘’
« C’est vraiment là qu’est venue l’idée de ‘’ je tripe sur la musique en général, j’aime ça jouer toutes sortes de musique, alors pourquoi pas reprendre mes chansons préférées, les chansons qui sont populaires et de juste avoir du fun et de faire de courtes vidéos comme ça.
« [...] La première vidéo que j’ai publiée, je n’avais aucune attente. Pour moi, c’était comme un fun personnel que je venais de m’amuser à filmer ça. Ce n’était vraiment pas dans le but de faire une carrière sur les réseaux sociaux. Dans ma tête, pour être honnête, ça n’existait pas nécessairement en tant que musicien, et en tant que batteur. Ce n’était pas quelque chose qu’on voyait tant que ça, il y a deux ou trois ans, de faire vraiment carrière sur les réseaux sociaux.
« Fait que, mon concept vient d’une envie, du feedback des gens pis je sais pas, d’un message de l’au-delà. Je dis tout le temps ça (rire), mais aussi un bon timing! »
Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans ton parcours?
« Je pense que ça a été d’arrêter d’être difficile envers moi-même et de me poser trop de questions. Parce que je pense que c’est un métier qui est quand même assez difficile à percer, pis, je veux dire, tu te fais juger. Tu te mets devant le public, tu te mets un peu à nu, veux veux pas. Même si oui tu n’es pas comme le chanteur qui est en avant, t’es drummeur, mais t’es quand même sur la scène. Et de faire des vidéos, c’est comme si la loupe s’est vraiment mise sur moi.
« Pour moi, ça a quand même été difficile d’ arrêter de me poser des questions et juste le faire, et ne pas être dans le jugement et dans le perfectionnisme.
« C’est ça que j’ai trouvé le plus difficile au départ et c’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas fait. T’sais dans les dix ans de carrière que j’ai, j’aurais pu faire des vidéos, ça fait longtemps que j’ai cette idée-là, mais j’avais peur. Il y a comme de quoi, la peur des commentaires des gens, que tu te mettes à nu pis c’est vraiment différent que de faire un show, t’as fini et tu retournes chez vous. [...] je te dirais que pour moi, ça a vraiment été ça le truc à dépasser et aujourd’hui je vis super bien avec ça, mais au départ, dans les premières vidéos que je publiais, ça me stressait. »
Justement, les drummeurs ont la réputation d’être plus dans l’ombre, et tu as décidé de te mettre en lumière, est-ce que ça a été confrontant pour toi? Quels risques que cela t'a fait prendre?
« Oui, Je ne l’aurais pas fait il y a dix ans, quand j’ai commencé à faire des spectacles. Même il y a cinq ans, je pense même pas que je l’aurais fait. Je pense que le fait de faire de la tournée avec Roxane Bruneau, qui elle a été connue justement sur les réseaux sociaux, au travers de Facebook, de YouTube et tout ça. De voir un bel exemple comme ça de quelqu’un qui a rayonné, qui s’est [montré] justement totalement authentique et que les gens ont aimé ça.
« C’est un outil gratuit extraordinaire que sont les réseaux sociaux. Il y a un côté négatif, comme dans tout, mais il y a un côté hyper positif aussi.
« Le risque, ça revient un peu à ce que je t’ai dit avant, c’est le jugement. Je pense qu’on a tout le temps peur de faire une erreur. T’sais, si tu mets quelque chose en ligne, même si tu l’enlèves, il y a sûrement quelqu’un qui l’a enregistré quelque part et il est trop tard. C’est comme un peu cette erreur de ‘’ je fais tu la bonne toune?, je fais tu la bonne affaire? J’ai tu joué la bonne affaire?’’
« Mais pour vrai, je suis rendue à l’étape que j’ai dépassé ça et je me rends compte que c’est quand j’ai le plus de fun et que je me pose pas de questions que ça fonctionne. Et que ça parait que j’ai plus de plaisir et que le risque s’en va dans le fond, quand j’arrête de me poser des questions. »
Comment as-tu fait pour te tailler une place dans ce domaine qui est habituellement plus masculin?
« C’est de moins en moins rare, mais si je recule à il y a dix ans, il y en avait pas beaucoup de drummeuse au Québec, qui gagnaient leur vie comme ça et qui était présentes sur la scène musicale, il n’y en avait vraiment pas tant que ça.
« [...] C’est sûr qu’il y en a eu des jugements. Admettons que j’arrive sur un show pis que je le sens qu’il y a beaucoup de questionnements genre ‘’est-ce qu’elle est capable de jouer? C’est qui? Est-ce qu’elle va frapper fort?’’. T’sais, tous les petits préjugés de départ qui viennent avec le fait qu’on en voit moins des filles. Mais mis à part ça, j’ai toujours essayé de le voir de l’autre côté et de me dire que ça peut être un bel avantage aussi. Pas le fait d’être une fille, mais le fait que ce soit juste différent. Le fait qu’on n’en voit pas beaucoup et qu’il y a quelque chose que du moment où j’ai compris [en me disant] : ‘’ Prends confiance, t’as ta place et tu ne serais pas engagé si tu ne faisais pas la job ''.
« Je pense que chaque personne a sa place et c’est comme ça que je l’ai tout le temps vue. Oui c’est sûr que j’ai vu certaines situations, il y en aura tout le temps comme dans tous les métiers, pas juste au niveau des sexes, beaucoup d’injustices et de stéréotypes, mais j’ai toujours essayé de dépasser ça et de voir ça positif.
«J’ai jamais senti ça, même avec mes bands, avec les personnes avec qui je suis engagée, [...] je me sens bien. Je prends ma place et c’est vraiment ça.
« Oui, je suis une fille girly qui joue du drum! Pis ça reste ma personnalité, je ferais n’importe quoi comme métier et ça serait moi. J’essaie juste de le voir comme ça. »
Quelle est la réaction du public versus celle des gens du milieu face à ce que tu fais?
« Ça, c’est intéressant comme question. Ce n’est pas la même. Je pense que dans le milieu, les réseaux sociaux, je vais parler plus à titre des musiciens, parce que je crois que les chanteurs, c’est autre chose, ils sont habitués de se mettre de l’avant. Mais niveau des musiciens, dans le milieu, je vais dire peut-être au Québec, parce que c’est le milieu que je connais quand même. Je crois que c’est quelque chose de pas exploité. Quand j’explique aux gens, ou quand ils voient qu’est-ce qui se passe dans ma carrière en ce moment, il y a un petit point d’interrogation. C’est comme : '' ben voyons, c’est quoi? Pourquoi tu te filmes et que ça marche? ''
« T’sais, tout le monde joue d’un instrument, tout le monde est excellent, mais c’est comme le petit côté de se filmer et de publier sur TikTok, c’est quoi ça TikTok? (Rires).
« Je pense que c’est peut-être une question de temps. L’année prochaine, peut-être qu’il n’y aura plus aucun point d’interrogation, parce que je crois que TikTok, c’est quand même assez récent, surtout au Québec. Dans l’univers musical, encore plus. Souvent les musiciens, on n’a pas le réflexe de se filmer nécessairement. On accompagne, on est là pour faire briller l’artiste souvent. Alors, de se mettre à l’avant, il y a comme de quoi dans le milieu que c’est peut-être un peu bizarre, mais super bien [accueilli]. Les gens ils sont super contents pour moi.
« Je pense que c’est vraiment ça, contrairement au public. Le public qui est sur TikTok, ben ils sont sur TikTok. Ils voient c’est quoi et pour eux c’est juste normal de faire des vidéos et d’être là-dessus. »
En prenant un pied de recul, qu’est-ce qui te rend le plus fière de ta carrière jusqu’à maintenant?
« C’est dur, c’est très très dur! Je peux pas répondre tout? J’ai tu le droit? (Rires)
« J’ai comme pas un spectacle en particulier, ou une vidéo ou un accomplissement. Je pense que c’est vraiment un tout pour moi. C’est comme si chaque chose était arrivée au bon moment pis qu’il y a eu tellement une belle évolution du départ, quand j’ai appris à jouer du drum, à aujourd’hui.
« Je pense en fait que ma plus grande fierté c’est vraiment de gagner ma vie en jouant du drum. Je pense que c’est vraiment ça d’avoir du fun pis d’explorer plusieurs avenues. J’adore ça, faire des shows, et je pourrais passer ma vie à que faire des shows. Mais je pense que j’aime le fait qu’il y a plus que ça, à ma carrière. Que ça se tisse d’autres façons que juste la logique, [le parcours typique] de faire des shows et that’s it.
« D’avoir réussi à parvenir à autre chose que ce que je m’attendais. »
À pousser les limites aussi?
« Oui, exactement, pousser les limites! [...] C’est vraiment ça. De comme un peu écrire ma propre histoire par rapport à ça. Il n’y a pas de règles. J’ai juste suivi mon instinct et je suis allée beaucoup aussi avec la vie, ce qu’elle m’envoyait et c’est ça, d’être sortie outside of the box! Maudit anglicisme, mais c’est vraiment ça! »
Comment les doubles standards dans le monde de la musique se sont présentés tout au long de ta carrière? As-tu des exemples concrets?
« Pour être honnête, il n’y a rien de grave qui m’est arrivé. Mais c’est sûr que des phrases comme ‘’ T’es bonne pour une fille ‘’. C’est un classique que ça peut paraître minime, mais pour moi, ça me rentre dedans quand même chaque fois. Pis ça, je pense qu’il y a de moins en moins ça, mais il y en a quand même.
« Et je crois que ça va aller de mieux en mieux parce qu’il y a quand même de plus en plus de femmes dans l’univers musical, pas juste drummeuse, je parle de tous les instruments. Et c’est quelque chose de vraiment positif et je pense que c’est parce que les femmes prennent plus leur place aussi. Donc plus on prend notre place, plus on nous en donne.
« Il y a dix ans, j’aurais pas eu le même discours. Quand j’ai commencé à jouer, chaque fois que j’arrivais à un soundcheck, j’ai eu des commentaires du genre : ‘’Ton chum arrive tu bientôt? ‘’ comme si je montais le drum pour mon chum. C’est sûr que des fois, ça me rentre dedans, mon orgueil prenait un petit peu le dessus, mais ça arriverait aujourd’hui et je rirais vraiment beaucoup.
« Il y a des situations comme ça qui me sont arrivées, t’sais des niaiseries comme avant que je fasse mon soundcheck, t’as le préjugé que je ne vais pas frapper fort, que je vais pas être capable de tenir mes baguettes quasiment, qu'il va falloir monter la prise de son des micros.[...] Pis finalement, je commence à jouer et c’est comme OK!
Comment réagis-tu maintenant quand ce genre de situations arrivent?
« Bien, c’est sûr que je vais répondre! Dans la vie, je suis quelqu’un qui s’exprime, mais la confiance que j’ai aujourd’hui, je ne l’avais pas il y a dix ans. Pis c’est une confiance sur mon instrument, oui, mais une confiance même de moi qui m’assume, qui commence une nouvelle carrière.
« C’est comme dans tout, quand tu commences quelque chose, comme à l’école, t’es plus craintif. Des fois, t’as moins confiance, t’as moins d’expérience. Et ça, je pense que ça fait partie de l’expérience que j’ai acquise à travers ces années-là, de comment dealer avec ça quand je ressens qu’il y a ce petit préjugé qui est là, peut-être le côté sceptique des gens. Je le vois encore aujourd’hui des fois, mais je deal différemment avec parce que j’ai eu cette expérience-là de toutes les années que j’ai vécu ça.
Qu’est-ce que tu dirais à une jeune fille qui voudrait se lancer dans le domaine?
« Je dirais OUI, vas-y! Je pense que c’est d’avoir confiance et d’aimer ce que tu fais. C’est tellement important!
« [...] Je dirais de pas avoir peur de prendre ta place, parce que la place elle est là. Je pense qu’on est la meilleure personne pour se donner la place. Parce qu’une fois qu’on ne se sent pas imposteur. Ça, c’est un mot, imposteur, que j’ai souvent derrière ma tête. Vraiment, vraiment souvent. Et du moment que je me suis dit ‘’ Non, ça ne m’appartient pas, parce que j’aime ce que je fais, je pense que j’ai ma place...pas je pense : J’ai ma place, je fais la job! ‘’ ben il y a comme pu de raison d’avoir ça.
« Je dirais aux filles, ou à toutes les personnes qui se posent des questions, de juste pas avoir peur et de le faire pour les bonnes raisons et pour le faire pour l’amour de l’instrument, de la musique ou du métier. »
Quels sont tes projets, tes ambitions pour le futur? Penses-tu que les gens vont réclamer des spectacles de Domino Santantonio?
« Je te mentirais en te disant que ce n’est pas dans ma tête quelque part. C’est quand même quelque chose à quoi je pense, parce que je me le fais souvent demander.
« C’est sûr que, de mes abonnés, ce n’est pas 1,3M au Québec. Donc, c’est sûr que c’est mondial et c’est difficile à cibler et de savoir, est-ce que ça fonctionnerait si je fais une tournée canadienne ou peu importe, mais c’est quelque chose qui me tenterait.
« Il faut juste que je voie dans quelle optique que je le ferais. C’est sûr que, moi je me vois jouer avec d’autres musiciens. C’est ça mon plaisir dans la vie, partager la scène avec d’autres personnes hyper talentueuses et des personnes que j’aime. Il faudrait que je voie comment je m’aligne, mais oui tu as quand même vu juste! »
À noter que l'écriture inclusive est utilisée pour la rédaction de nos articles. Pour en apprendre plus sur le sujet, tu peux consulter la page du gouvernement du Canada.
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