Des psys nous parlent des comportements qu'on risque de voir après la pandémie au Québec
Est-ce qu'on va encore être stressé en voyant des gens se coller à la télé?

La pandémie de COVID-19 aura chamboulé le Québec sur toutes les sphères, dont la psychologie, et laissera un legs par la suite. Si, lorsque tu regardes un épisode de ta série préférée, tu ressens un malaise en voyant des gens à moins de deux mètres, ne t'inquiète pas. Tu es normal.
Du moins, c'est ce que la Dre Mélanie Lamarre et le Dr Francis Lemay, tous deux psychologues en clinique privée, ont mentionné à Narcity lors d'un entretien téléphonique.
La sélection de l'éditeur: 64 vols exposés à la COVID-19 ont transité par Montréal dans les deux dernières semaines
Être témoin de rassemblements et ressentir de l'inconfort
« C'est comme si on avait appris à craindre certaines situations sociales », affirme d'entrée de jeu Dre Lamarre au sujet de l'anxiété sociale, soit de « vivre une certaine forme de peur du fait d'être jugé dans une situation sociale ».
Dans ce cas-ci, « on va être un peu plus lousse dans le diagnostic », lance-t-elle en riant.
Dre Lamarre se remémore la pandémie de SRAS en 2003, où il y avait eu par endroit des quarantaines et de l'isolement social.
Lors d'un déconfinement ou d'un retour à la normale, « ça peut engendrer chez certaines personnes isolées des comportements d'évitement », dit-elle, comme une diminution des contacts et de fréquentation d'endroits publics ou même ne plus retourner sur les lieux du travail.
« On peut se questionner sur les motivations derrière ça, raconte-t-elle. Est-ce que c'est la peur de contracter le virus? »
Pour le Dr Lemay, ça se rapproche un peu plus de la dissonance cognitive, soit d'aller à l'encontre de ses croyances, comme, dans certains cas, la distanciation physique dans une émission de télé.
À l'opposé, quelqu'un qui est vacciné, mais a de la misère à réseauter durant des semaines, malgré que les personnes qu'elle fréquente aient aussi été inoculées, « là on est peut-être en train de parler du développement d'une anxiété sociale », s'exclame le psychologue de Québec.
Vers une vague d'agoraphobie post-pandémique?
« Dans ce contexte-ci, c'est possible, dit Dr Lemay, mais ce serait par contre vraiment surprenant. »
Selon lui, le « besoin de connexion », de sortir de chez soi et de s'activer physiquement est « assez élevé » chez la plupart des gens.
« Les besoins de connecter, de bouger, de voir des gens sont quand même essentiels et en être privé crée un stress », confirme-t-il.
Il précise que lorsqu'une personne est stressée sur une longue période de temps, le système immunitaire de celle-ci a tendance à s'affaiblir et le niveau psychologique aussi.
« On est fatigué, on est plus anxieux, on devient plus intolérant. »
Comme le décrit la Dre Lamarre, l'agoraphobie est un diagnostic « plus spécifique » lié à la peur d'être dans une situation dont on éprouvera un malaise et dont on ne pourra pas s'échapper, comme être au milieu d'une foule et être victime d'une attaque de panique.
Elle persiste en associant plutôt l'inconfort à l'anxiété sociale.
D'ailleurs, les deux sont unanimes: il y a une forte augmentation du nombre de demandes de consultation au sein de la population, depuis le printemps 2020.
Un sondage mené à l'automne dernier par l'Ordre des psychologues du Québec auprès de ses quelque 8 843 membres stipule que 33,7 % des répondants ont vu une augmentation de leurs activités, comparativement à la vie pré-pandémique.
Plus de 85 % des répondants affirment avoir relevé une augmentation de la détresse psychologique ou une aggravation des symptômes chez leurs clients depuis le début de la pandémie.
La pandémie : un baume temporaire pour les personnes anxieuses
Les deux psychologues avouent que la crise sanitaire actuelle vient « normaliser » le comportement de certaines personnes anxieuses.
Si l'on pense aux gens qui ont peur d'être contaminés ou aux germaphobes, actuellement, « ils sont heureux », confirme Dre Lamarre.
« Pour une fois dans leur vie, tout le monde est d'accord avec eux et se lave les mains, lave leur environnement. Ils sont rassurés, parce que tout le monde adopte le même comportement qu'eux. »
Toutefois, lorsque la fin de la pandémie pointera le bout de son nez, « ça se peut que ce soit difficile pour eux », puisque leur problème ne sera toujours pas réglé.
De son côté, Francis Lemay avoue que les règles de distanciation physique peuvent en arranger quelques-uns, mais « il faudra s'attendre à ce que les gens dont l'anxiété était calmée par le contexte recommencent à vivre beaucoup d'anxiété ».
Ces entretiens ont été édités et condensés afin de les rendre plus clair.